Vous êtes bijoutier et souhaitez créer des bijoux de couleur dorée ? Toutefois, l’or ne…

La malléabilité d’un métal est une propriété très importante en bijouterie. C’est grâce à elle que l’on peut donner une certaine forme aux métaux, sans qu’ils reviennent à leur forme d’origine. Cependant, celle-ci peut parfois jouer contre le bijoutier. En effet, il arrive parfois que le métal composant le corps d’une bague, par exemple, ne soit pas assez écroui (rigide). De ce fait, le bijou devient facilement déformable si l’épaisseur d’argent, d’or ou de laiton utilisé n’était pas suffisamment importante. Mais dans ce cas, que faire ? Faut-il recommencer le bijou au complet ? Existe-t-il un procédé permettant de durcir l’argent ? Réponse tout de suite ?
Un problème courant quand on débute
Vous venez tout juste de finir votre pendentif. Vous avez passé plusieurs heures à le scier, souder la bélière et le polir. Il est magnifique, et vous êtes super fier/fière de vous. Il ne vous reste plus qu’à sertir.
Et là, l’horreur ! Vous réalisez que vous auriez dû utiliser une plaque plus épaisse. Celle que vous avez choisie est trop fine, et donc le bijou est trop facilement déformable…
Évidement, il est hors de question de lui taper dessus pour le rigidifier, car cela abîmerait la belle texture que vous avez faite. En plus, il y a le serti en plein milieu…
C’est malheureusement le genre d’imprévu qui peut gâcher votre journée de travail…
Un problème que j’ai eu une fois aussi.

Pour la petite histoire, j’étais en cours et j’avais raté le sciage du pattern de mon fermoir… J’étais donc obligée de le recommencer. J’ai alors pris une plaque d’argent au hasard dans ma réserve personnelle, mais je n’ai pas pensé à vérifier si elle était bien écrouie. Évidement non… J’avais déjà fait un recuit sur cette plaque. Si bien que, mon sciage terminé (et réussi cette fois), je me suis rendu compte que mon fermoir n’avait aucun ressort. On n’entendait pas le fameux « clic » tant attendu, qui signifie que le fermoir est fonctionnel.
Quelques définitions
Avant de poursuivre mon histoire, quelques définitions s’imposent pour les débutants ?
Écrouissage
Un métal écroui est un métal ayant subi une déformation plastique, par forgeage ou laminage par exemple, ce qui induit un durcissement de celui-ci. Ainsi, plus le métal est écroui, plus il est difficile à former ou à déformer. Afin de lui rendre sa malléabilité, il faut procéder à un recuit.
Malléabilité
La malléabilité est la propriété d’un métal, ou de manière plus générale d’un matériau, à être déformé à chaud ou à froid, par choc ou pression, tout en conservant la nouvelle forme qu’il a acquis.
Recuit
Le recuit est un procédé consistant à chauffer un métal, afin d’éliminer les contraintes induites dans la structure moléculaire de celui-ci lors de sa déformation. Le recuit permet donc au métal de retrouver sa malléabilité. Pour cela, on chauffe le métal à une certaine température, à l’aide d’un four ou d’un chalumeau. Pour en savoir plus sur le recuit, je vous invite à lire l’article que j’ai consacré à ce sujet ?
Durcir l’argent par traitement thermique
Un « outil » que tout le monde a
Étant donné le manque de ressort de mon fermoir, j’étais à la fois frustrée et désespérée. Recommencer encore une fois ?? Hors de question ! Heureusement, ma prof avait une solution pour durcir l’argent sans pour autant abîmer mon fermoir.
Cette solution implique un « outil » que tout le monde a chez soi. Oui, oui, même les personnes qui ne font pas de bijoux.
Un four, tout bêtement.

« Euh… Comment un four peut te permettre de durcir de l’argent ? », allez-vous me demander.
Et bien, tout simplement grâce à un traitement thermique.
À vrai dire, le traitement complet nécessite un four plus puissant que celui qui se trouve dans votre cuisine. Mais lisez quand même jusqu’au bout, car vous verrez que cela pourra vous servir malgré tout.
Le traitement complet
C’est un traitement qui se fait normalement en trois étapes :
• Il faut chauffer la pièce à 700-730 °C (1292-1346 °F) pendant 30 à 60 minutes. Si elle contient des soudures, il ne faut pas excéder 540 °C (1000 °F).
• Une fois sortie, il faut immédiatement la tremper dans l’eau froide, sans attendre qu’elle refroidisse.
• Enfin, il faut la chauffer à nouveau à 300 °C (572 °F) durant 30 à 60 minutes.
Il est évident que votre four de cuisine ne monte pas à 700 °C. Mais si vous avez un four à émail par contre, vous pourrez toujours l’utiliser pour la première étape.
Les deux premières étapes servent en fait à faire un recuit égal sur toute la pièce, afin qu’à la troisième étape, le durcissement se fasse aussi de manière égale dans tout le métal.
Si j’en reviens à mon histoire de fermoir, n’ayant pas de four à émail, je n’ai pu faire que la troisième étape. J’ai donc mis mon fermoir au four à 300 °C pendant une heure. Et lorsque je l’ai ressorti, joie ! Il avait retrouvé du ressort !
Les limites de ce traitement
« Mais c’est génial ! »
Évidement ! Mais (malheureusement, il y a souvent un « mais »…), ne pensez pas pouvoir réaliser des petites bagues en fil d’argent de 1 mm, en pensant qu’avec cette technique miraculeuse, elles ne se déformeront pas. C’est tout simplement impossible.
Comme vous le savez, il est important de définir les bonnes épaisseurs de métal dès le départ. Vous devez toujours garder à l’esprit que vos bijoux doivent être solides et durables. Vos clients vous en seront reconnaissants.
J’ai une dernière recommandation à vous faire concernant ce traitement thermique de l’argent. Il a tendance à oxyder le métal. Je vous conseille donc de le faire juste avant le polissage. Comme ça, vous ne vous retrouverez pas à devoir polir une seconde fois.
Les autres façons de durcir l’argent
La déformation
Il faut savoir que chaque fois que vous induirez une déformation à une plaque ou un fil métallique, celui-ci s’écrouira. Il deviendra donc de plus en plus difficile à déformer. Ainsi, en tournant un fil avec vos pinces ou autour d’un triboulet, vous aurez certainement besoin de faire un recuit à un moment ou à un autre, si vous voulez continuer à travailler ce morceau de métal. Toujours est-il que la déformation, qu’elle soit faite à l’aide de pinces ou d’un marteau, rigidifie le métal.
Le martelage

On peut marteler le métal pour deux raisons : pour lui donner une forme, comme c’est le cas dans la technique du Foldforming, ou alors pour le texturer. Dans un cas comme dans l’autre, l’action du marteau écrasant le métal écrouit ce dernier.
Le laminage et le tréfilage
Le laminage consiste à réduire l’épaisseur d’une plaque en l’écrasant entre deux rouleaux d’acier, à l’aide d’un laminoir. Le tréfilage, quant à lui, permet de diminuer le diamètre d’un fil en le passant dans les trous d’une filière. Voici une petite vidéo qui explique le processus de cette dernière technique.
Ces deux procédés induisent une déformation dans la structure moléculaire du métal qui devient alors écroui. Il faudra encore une fois procéder à un recuit si on veut le travailler par déformation.
Le tonneau à polir (baratte)
Enfin, l’utilisation du tonneau à polir peut aussi vous permettre de durcir l’argent (et les autres métaux). En effet, les petites billes d’acier présentent dans cette machine vont provoquer de mini-chocs sur la surface du métal, le rendant ainsi plus rigide. Cependant, si ce procédé peut être très efficace avec des petits bijoux, gardez à l’esprit que ce ne sera pas le cas sur des gros bracelets de type manchette par exemple. En effet, dans ce cas-ci, l’écrouissage ne se fait qu’en surface. Toutefois, le tonneau à polir est parfait pour durcir l’argent des tiges de boucles d’oreilles ou des petites bagues en fil.
Vous l’aurez compris, les propriétés des métaux sont importantes à connaître si l’on souhaite se lancer dans la bijouterie. Cela permet entre autres d’éviter des petites erreurs comme celles que j’ai mentionnées en début d’article, qui peuvent être finalement très problématiques. Dans le cas de l’argent et des autres métaux comme l’or, le cuivre ou le laiton, le simple fait de chauffer la surface du métal change ces fameuses propriétés. Ainsi, même lorsque l’on fait une simple brasure, on redonne au métal toute sa malléabilité. C’est pourquoi j’insiste bien sur le fait qu’il vaut mieux bien choisir son épaisseur de métal dès le départ. Car en effet, plus le métal est épais, plus il sera difficile à déformer, même une fois recuit.
Maintenant que vous savez à peu près tout ce qu’il y a à savoir sur l’écrouissage et les techniques permettant de durcir l’argent, ce genre de péripéties ne devrait plus être un problème pour vous ?
Merci pour ces informations Caroline !!
J’utilise la pince à morilles pour faire tourner la petite tige des boucles d’oreilles en « clous » pour qu’elle ne soit pas trop molle après l’avoir soudée à la boucle. C’est une bonne astuce que mon ancien prof m’a donnée quand on n’a pas de four à disposition. Mais j’avoue que je ne maîtrise pas encore cette technique, parfois la pièce ne supporte pas trop de tours (la soudure casse) et au contraire parfois elle nécessite plus de tours pour devenir rigide… Et puis on voit les tours sur la tige, même avec un joli polissage, surtout quand il s’agit de BO du type « dormeuse ». Je vais réfléchir à investir en un tonneau à polir… Sauf si tu as une autre astuce pour cela ;o)
En tout cas, merci de partager tes connaissances avec les débutants comme moi !
Oui, la pince est un très bonne technique, car elle permet justement de voir si la brasure a été bien faite 🙂 Mais effectivement, cela laisse des traces… Si tu veux éviter la pince, le tonneau à polir est selon moi ce qu’il y a de mieux 😉
Bonjour Caroline,
Je voudrais savoir sur quel alliage est appliqué le traitement thermique ?
Très bon article.
Nicolas
Bonjour Nicolas, j’ai testé ce traitement sur de l’argent 925 😉