Il y a quelques semaines, j’ai eu le plaisir de retrouver Matthieu Cheminée pour une…

Apprendre la bijouterie est peut-être un rêve que vous caressez. Mais imaginez un peu de pouvoir apprendre la bijouterie en voyageant ! C’est ce qu’ont fait Thibault et Laurine de AVTM Bijouterie Nomade, qui on profité de leur vie nomade pour aller à la rencontre d’artisans de Bosnie, de Croatie et même de Thaïlande, afin d’apprendre ce métier.
Je vous laisse découvrir leur parcours dans cette nouvelle interview ?

Votre parcours est un peu particulier. Qu’est-ce qui vous a donné envie de partir et de parcourir le monde ?
Lorsque nous nous sommes retrouvés Thibault et moi en juin 2016 (on s’est connu il y a 10 ans), ça a été de nouveau un coup de foudre. On avait changé tous les deux, mûrit, mais chacun dans le même sens ! Et on avait l’impression de pouvoir réaliser tous nos rêves les plus délirants, maintenant que nous avions enfin trouvé la bonne personne avec qui partager notre vie. L’un de ces rêves commun était de vivre de manière nomade, de ne pas avoir d’attaches dans un pays, mais de voguer au gré de nos rencontres, de nos envies et de nos besoins.

Notre premier choix a été le voilier comme “maison flottante”. En février 2017, on quitte nos emplois et on a acheté notre bateau “Esperanza” en Espagne (oui, 9 mois seulement après s’être mis ensemble, gros challenge !). Mais nous nous sommes vite aperçu que ce mode de vie ne nous convenait pas du tout. Nous l’avons revendu et acheté un camping-car à la place. Après 7 mois passés sur le bateau à réaliser de lourds travaux et à se priver de tout, on avait vraiment besoin de bouger et de profiter un peu.
Connaissiez-vous déjà le métier et les techniques de bijouterie au début de votre périple ? Si non, quel était votre métier alors ?
Non absolument pas ! D’ailleurs nous ne portons que très peu de bijoux, nous ne sommes pas vraiment des fashionistas ?. En 2017, Thibault était technico-commercial dans une grosse entreprise, quant à moi (Laurine), j’étais chargée de projets humanitaires dans une association. Par contre on a toujours bien aimé faire des choses de nos mains (retaper le voilier est une de nos plus grandes fiertés !). L’artisanat nous inspirait, mais on ne pensait pas devenir artisans pendant nos voyages !
Comment avez-vous commencé à vous intéresser à la bijouterie ?

À l’hiver 2017, avec notre camion et nos deux chiens nous avons parcouru les pays des Balkans jusqu’en Grèce. Afin de nous financer, nous avons élaboré l’idée de rencontrer des artisans sur le chemin et de revendre leurs produits via un site internet. Notre choix s’est porté sur la bijouterie : ce sont des objets intemporels, universels, légers, donc faciles à stocker et à envoyer, et on en trouve dans tous les pays du monde !
Parlez-nous des techniques spécifiques que vous avez apprises dans les pays que vous avez visité.

Notre première rencontre avec un artisan bijoutier s’est faite en Bosnie à Mostar, la ville du cuivre. Une famille d’artisans nous a initiés à la création de bracelets et de boucles d’oreilles martelés. Les techniques étaient très simples et faciles à réaliser pour des débutants : découpe de plaques de cuivre pour réaliser des joncs, poinçonnage de motifs ou martelage, vernissage, montage des boucles sur des accroches en argent 925. Le cuivre est un matériau très original pour réaliser des bijoux. On l’a mis un peu de côté dans nos dernières créations mais on pense y revenir bientôt !

Nous avons également découvert la technique du filigrane à Split en Croatie chez un vieux monsieur qui a accepté de nous prendre en stage pendant plusieurs mois cette fois. Le filigrane est une technique de bijouterie qui demande des années d’expérience. Il s’agit du tissage de fin fils d’argent 999 utilisée souvent dans la réalisation des bijoux traditionnels typiques du pourtour méditerranéen (on retrouve cette technique en Macédoine, Grèce, Sicile, Portugal, Maroc). En Croatie, ils réalisent de petites boules d’argent ainsi. Ces boules étaient suspendues aux chandeliers des églises et servaient de boutons sur le costume traditionnel. Ceci a été notre première expérience du travail de l’argent et on a été conquis !

À notre retour en France, on a bien réfléchi et on décidé de continuer sur la voie de l’artisanat et de la bijouterie. Après quelques recherches et de bons conseils, nous avons décidé de partir apprendre la bijouterie en Thaïlande, et plus particulièrement dans le Nord, connu pour son artisanat et ses tribus aux mains d’or. C’est ainsi que 2018 fut l’année de notre conversion en bijoutiers ! Là-bas, nous avons appris les techniques traditionnelles de créations de bijoux en argent avec l’ethnie Karen. Ils travaillent avec de l’argent très pur (980) et font tout à la main, assis sous les pilotis de leurs maisons pour se prémunir de la chaleur et des pluies. Toute la famille participe. Ils ont très peu de matériel et réalisent tout de même des choses incroyables ! Nous avons appris les bases de la bijouterie : fonte et alliage des billes d’argent, création de plaques et de fils, découpe, ponçage, poinçonnage et martelage, polissage. Il y a encore beaucoup de techniques que nous ne maîtrisons pas (sertissage, moulage à la cire perdue, gravure) mais la simplicité et l’authenticité des techniques Karen nous ont séduites. On espère pouvoir continuer à apprendre en voyageant cette année !
Avez-vous une préférence pour l’une d’entre elle ? Pourquoi ?
La technique du filigrane emporte largement notre cœur. D’abord, parce qu’elle est très difficile à maîtriser (refaire une boule en filigrane sans notre maître bijoutier croate nous a pris des semaines !) et c’est donc un véritable challenge. Ensuite, parce qu’elle est unique, ancienne, presque antique. Peu de personnes portent ce type de bijoux et c’est cela qui les rend si uniques !
Quelles-sont vos sources d’inspiration ?

Au début on a beaucoup reproduit ce qu’on avait vu et appris dans les pays étrangers. C’était notre zone de confort. Maintenant que notre technique est plus assurée, nous essayons de créer des pièces qui nous ressemblent plus. On parle beaucoup à nos clientes sur les marchés et sur internet, on prend les avis et les conseils, on essaie de faire des choses qui plaisent. Elles nous envoient des photos de ce qu’elles découvrent aussi dans leurs voyages. Ça nous permet de continuer à découvrir sans bouger de notre atelier ?
Vous semblez continuer à voyager tout en fabriquant vos bijoux. Vous êtes-vous aménagé un atelier mobile ?
Non, nous n’avons pas d’atelier mobile. Nous avons revendu notre camping-car en 2018 et après la Thaïlande nous nous sommes installés à Brignoles (83) dans la famille, le temps de monter notre activité et de la tester. Notre atelier se trouve dans la maison familiale actuellement. Nous avons aussi postulé pour avoir un atelier-boutique dans la ville de Hyères, mais la contrainte des horaires et des jours d’ouverture nous ont fait changé d’avis. Nous souhaitions conserver notre liberté.

Aménager un atelier mobile semble compliqué, car nous avons 4 outils assez encombrants et lourds : le laminoir, le banc à étirer, la polisseuse et l’oxy-gaz. Ce serait probablement possible dans une caravane tractée par un camping-car, mais cela requiert le permis poids lourd. Et puis quelle liberté quand on ne peut plus se garer nulle part tellement on est gros ? Qu’on a constamment peur de se faire voler ou braquer notre matériel ? Qu’on ne peut pas quitter les routes bien goudronnées et plates ? On commence donc désormais à s’orienter plus vers l’idée d’un “semi-nomadisme” : 6 mois à apprendre et créer dans un atelier à l’étranger, 6 mois en France dans notre propre atelier.
Pour ce qui est de la vente de vos créations, comment fonctionnez-vous ? Principalement en ligne, ou faites-vous aussi affaire avec des boutiques ?
La première année (2018), nous avons testé beaucoup de choses : vente en ligne via Facebook et Etsy, marché artisanaux sur la Côte d’Azur, festivals de musique, gros salons bio, yoga et nature sur Paris. Nous avons réussi à rembourser tous nos investissements, mais pas à dégager de salaire cette année-là. Heureusement que nous sommes hébergés par la famille ! C’est déjà bien, mais en 2019, le challenge est de commencer à véritablement vivre de notre métier. Depuis novembre 2018, nous avons notre propre site internet et nous fonctionnons énormément via les réseaux sociaux. Cette stratégie s’est avérée payante puisque nous avons réussi pour la première fois à dégager un salaire aux mois de janvier et février 2019 !

Quant aux boutiques, nous nous sommes toujours refusés au dépôt-vente pour de multiples raisons : mauvais retours de la part de nos amis créateurs, blocage de nos stocks, commissions et loyers trop élevés. Enfin, nous pensons que nous sommes les plus à même de vendre nos créations. Ce ne sont pas juste des produits, mais des petites œuvres d’art pour nous, on y a mis beaucoup de temps et d’amour et c’est ce qu’on souhaite transmettre à nos clientes ! Nous souhaitons aussi faire passer certaines de nos valeurs lorsque nous communiquons sur les réseaux, telles que le partage, l’entraide et l’humain !
Cette année, certaines boutiques nous ont également proposé de la vente en gros, mais honnêtement, ce n’est pas intéressant pour nous. Étant donné que nous pouvons mettre jusqu’à 4h pour faire un bijou, nous préférons les garder pour nous-même ! Je pense que ce type de partenariat fonctionne lorsque l’on fait faire une partie de la production. Quand on fait de A à Z, ça n’est pas possible.
Comment avez-vous réussi à vous monter une clientèle ? Pensez-vous que votre histoire contribue à vous faire connaître ?

Oui, je pense que notre histoire joue énormément. On parle beaucoup de notre vie, de nos doutes, on essaie de montrer l’envers du décor et notre quotidien. Nos chiens sont aussi des super mascottes ? ! Notre communauté nous suit parce qu’ils aiment nos bijoux, mais aussi parce qu’ils apprécient nos valeurs et nous apprécient en tant que personnes. On essaie toujours d’être ouverts et bienveillants, autant sur Internet (on passe beaucoup de temps à parler sur Insta et Facebook!) que sur les marchés. Ça nous est arrivé de rester à parler à une seule personne pendant 4h sur un salon ! L’avantage, c‘est qu’on est deux, il y en a toujours un qui peut s’occuper de la vente ou de la création pendant que l’autre papote ^_^
Comment envisagez-vous la suite de votre parcours, à la fois dans ce métier, mais aussi géographiquement ?
Nous souhaiterions vraiment continuer à apprendre et voyager à la rencontre des artisans du monde. Moi, j’aimerais commencer à travailler avec les pierres et apprendre le sertissage. Thibault, quant à lui, souhaite apprendre à travailler et allier différents métaux : cuivre et argent, laiton, et même bois serti d’argent. Ce ne sont pas les envies ni les idées qui manquent ! Nous avons beaucoup de pays en tête et nous avons eu plusieurs recommandations : chez les Indiens hopis aux USA, Mexique, Indonésie, chez les Touaregs au Niger, Népal.
Quel serait le meilleur conseil que vous pourriez donner à quelqu’un qui souhaite se lancer dans la bijouterie ?
N’oublie jamais que tout s’apprend ! En France on nous demande souvent si on a fait une grande école de bijouterie, les beaux-arts, ou un CAP joaillerie. Parce que les gens ont du mal à concevoir que l’on puisse apprendre un métier en dehors de l’école, juste “sur le tas”.

Et en même temps, il ne faut pas oublier qu’en tant qu’artisan, on est très dépendant de cet apprentissage. Parce que pour pouvoir vivre de ce métier, il faut arriver à être “rentable”, ça veut dire créer vite et bien, mettre en place des stratégies d’échelles et être efficace. Notre temps est si précieux ! Par exemple, pour créer trois boucles d’oreilles en un coup, on colle à la super glue trois plaques d’argent les unes sur les autres et on les découpe ensemble. Lorsqu’on réchauffera les plaques, la glue s’évaporera. Ce genre de petites astuces, seuls les artisans expérimentés pourront vous les donner !
Pour finir, pouvez-vous nous dire ce que signifie AVTM ?
Ce sigle raconte notre parcours ! Au début de l’aventure, nous avions créé un blog “Aventuriers des Mers” pour raconter notre quotidien sur le voilier, les réparations, les navigations et partager nos expériences. Lorsqu’on a acheté le camion, nous avons renommé la page en “Aventuriers des Terres et des Mers”. Nous avons depuis délaissé cette page Facebook (bien qu’elle existe toujours !). AVTM Bijouterie Nomade est une façon de ne pas oublier notre histoire et d’avancer à nouveau !
Vous pouvez retrouver Thibault, Laurine, leur deux chiens et leurs créations sur :
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